Construire une stratégie data qui réponde aux irritants de l’entreprise

Spécialiste reconnu des études marketing, Philippe Le Magueresse cumule plus de trente ans d’expérience dans les projets liés à la data. Il évoque avec nous la manière dont les entreprises peuvent améliorer leur connaissance client et l’efficience de leurs actions. En s’appuyant sur des stratégies data fondées sur ce qu’il appelle l’hybridation de la donnée.
Vous évoquez l’hybridation de la donnée comme un point clé pour faire bouger les lignes en entreprise. En quoi cela consiste-t-il ?
Aujourd’hui, la masse de données disponibles pour les entreprises est immense, et elle croît de manière exponentielle. C’est le data déluge ! Pour répondre aux problématiques complexes auxquelles elles sont confrontées, les marques doivent aller chercher des données, les unifier, les analyser, puis les interpréter afin d’en tirer des plans d’action concrets.
CRM, ERP… La question des outils se pose alors nécessairement.
En effet, les données sont partout. Tel un chef d’orchestre de la data, mon objectif est de dépasser les silos. L’enjeu, c’est d’unifier la donnée autour d’un sujet clé qui, pour être bien traité, nécessite d’aller chercher différentes sources d’informations, réparties dans divers services de l’entreprise — voire à l’extérieur !
Quelle problématique concrète peut être traitée grâce à cette approche ?
Prenons l’exemple de l’expérience client. La question centrale est de savoir si une organisation est capable de la monitorer efficacement, afin d’en avoir une mesure holistique fiable et pouvoir l’améliorer. Pour cela, il faut mobiliser des données variées : enquêtes de satisfaction, données issues du CRM, mais aussi données provenant de la production, comme j’avais pu le faire pour SNCF Voyageurs dans le cadre de mes précédentes attributions Ce n’est qu’en s’appuyant sur un jeu de données complet et précis que l’on pourra véritablement instruire la problématique et déclencher des actions. En veillant au bon ratio précision / bénéfice.
Quelles autres problématiques marketing pouvez-vous aborder à partir de cette hybridation des données ?
La plupart des grands enjeux marketing peuvent gagner en efficience grâce à cette approche : conquête, fidélisation, image…
Vous cherchez donc à créer des passerelles entre les silos de données pour en tirer une interprétation plus fine et créatrice de valeur ?
Exactement. Prenons un autre cas concret. Si l’on mène une enquête pour mesurer la satisfaction liée à l’accueil en point de vente, cette donnée peut être utilisée par les responsables du réseau. Mais cette même donnée gagne en valeur si elle est croisée avec d’autres (heure de visite dans la boutique ou satisfaction du SAV). Ces croisements permettent de mieux comprendre l’expérience client. L’idée générale est d’être plus stratégique, en unifiant plusieurs sources pour construire des plans d’action qui embarquent les différents services concernés. Puis d’ajuster le tir avec une boucle de rétroaction.
Pourquoi l’hybridation des données est-elle si cruciale pour les entreprises ?
C’est indispensable, car la digitalisation va de pair avec une accélération du business : nouveaux concurrents, nouvelles offres, évolution rapide des attentes clients… Une entreprise incapable de s’adapter à cet environnement volatile risque de perdre en compétitivité. Ce que je propose, c’est de construire une stratégie data qui réponde à des irritants réels de l’entreprise et qui permet de « garder la relation » dans le temps avec les parties prenantes.
Comment se déroule la mise en place d’une stratégie data de ce type ?
La première étape consiste à identifier un irritant de l’entreprise. Puis de recenser l’ensemble des données disponibles au sein de l’organisation, afin de contextualiser précisément la problématique. Ensuite, selon, il y a une phase de modélisation, de data viz, etc. Cela implique souvent de nettoyer ces données, mais aussi de créer des clés de jointure entre elles, afin de les croiser efficacement.
Qu’est-ce qu’une clé de jointure ?
C’est un identifiant commun qui permet de relier plusieurs tables de données. Par exemple, dans le secteur banque-assurance, un client peut être identifié une fois via son numéro de contrat, une autre fois via son nom. Créer cette jointure permet d’avoir une table qui recense l’ensemble des données associées au nom ou au contrat.
Il est parfois nécessaire d’intégrer des données externes. Comment des entités comme myBRIEF peuvent-elles vous aider ?
C’est ce qu’on appelle l’enrichissement de données. En pratique, les données internes ne sont pas toujours bien gouvernées : certaines sont redondantes, d’autres obsolètes. Il est donc essentiel de les mettre à jour et de les compléter. C’est là que des partenaires comme myBRIEF interviennent. Mais ces partenaires peuvent aussi fournir des données marketing supplémentaires, utiles notamment pour affiner les actions de prospection, comme le ciblage « mirroring ». Une fois les bons leviers identifiés, ces apports externes permettent de déployer une stratégie data cohérente et performante.